Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/779

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce moyen fust cognue[1], qui autrement demouroit cachee, ou ensevelie. & tout ainsi que par voix, & sons contraires, il se compose une douce, & naturelle harmonie : aussi des vices, & vertuz, des qualitez, des elemens, des mouvemens contraires, & des sympathies, & antipaties, liees par moyens inviolables, se compose l’harmonie de ce monde, & de ses parties : comme aussi la Republique est composee de bons, & mauvais : de riches, & de pauvres : de sages & de fols : de forts, & de foibles alliez par ceux qui sont moyens entre les uns, & les autres : estant tousjours le bien plus puissant que le mal : & les accords plus que les discords. Et si on vient aux jugemens particuliers de Dieu, on trouvera qu’il ne punist pas tous les forfaits, & ne les laisse pas tous impunis. on verra qu’il fait de un berger, d’un asnier, d’un potier un Roy : & d’un Roy un pædante quelquesfois : & qui pourroit entrer aux plus secrets jugemens, on trouveroit comme en toutes autres choses la justice harmonique. Et tout ainsi que l’unité fus les trois premiers nombres : l’intellect fus les trois parties de l’ame : le point indivisible, sus la ligne, superficie, & le corps : ainsi peut on dire que ce grand Roy eternel, pur, simple, indivisible, eslevé par dessus le monde intelligible, celeste, & elementaire, unist les trois ensemble, faisant reluire sa majesté par une harmonie divine, à l’exemple duquel le sage Roy doibt former, & gouverner son Royaume.

F I N.
  1. Exod. cap.9.