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INTRODUCTION.

phie qui, en changeant l’esprit des vieilles croyances, en respectait la lettre, et qui, à ce titre, répugnait aux dogmes de la religion nouvelle. On comprend d’ailleurs que ceux qui prenaient le polythéisme à ce point de vue rationnel ne pouvaient partager les superstitions grossières du vulgaire, et qu’ils se dispensaient volontiers de tout culte extérieur, seul délit qui tombât sous le coup de la loi[1]. Voilà comment, à Rome, de même qu’à Constantinople, il pouvait se trouver dans les classes éclairées, sans que le gouvernement s’en émût beaucoup, des physiciens et des philosophes bien décidés à se tenir en dehors de la communion chrétienne.

On objecte que Boèce entretenait une correspondance suivie avec les personnages de son temps qui faisaient le plus d’honneur à l’Église ; or, quelle apparence qu’un Ennodius, l’illustre évèque de Pavie, qu’un Cassiodore, le pieux Fondateur du monastère deVivaria, eussent vécu dans une intimité aussi étroite avec un homme convaincu d’indifférence, sinon de

  1. « Il semble que, fidèles à l’esprit de l’ancienne législation romaine, les empereurs considéraient le culte et la religion plutôt comme un fait politique, un ressort de gouvernement, une base de la société civile, que comme un objet de dogme et de foi. On s’explique ainsi comment ils toléraient une liberté d’opinions assez grande, et même de très-vives agressions contre une croyance qui était la leur ; en un mot, les successeurs de Constantin paraissent tenir infiniment à ce que la religion chrétienne soit la religion de l’État, à ce que le culte proscrit ne soit pas exercé publiquement ; mais il leur importe assez peu que les littérateurs pensent ou écrivent dans un sens ou dans un autre. » (J· J. Ampère, Hist. litt. de la France.)