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iii
INTRODUCTION.

ques détails épars dans ses livres, quelques faits vagues recueillis par une tradition sans autorité, et qui s’altérait de plus en plus en s’éloignant de sa source, voila à quoi se bornaient les renseignements que l’on possédait sur Boèce. À vrai dire, la curiosité des érudits de ce temps était peu exigeante en pareille matière : la critique historique n’était pas née encore, et le public lettré, presque aussi naïf que la foule, ne pensait pas à dégager l’histoire de la légende. De là tous les récits merveilleux qui étaient alors imaginés sans scrupule, acceptés sans contrôle, et qui faussaient l’histoire même contemporaine. À peine mort, Charlemagne devenait un héros de roman ; la biographie de tout homme un peu célèbre devait payer tribut à ce goût universel pour la fiction. Dans un temps où l’on invoquait Virgile comme un saint, faut-il s’étonner qu’on ait honoré Boèce comme un martyr ?

Étrange martyr cependant, si, comme nous le croyons, Boèce a été dans Rome un des derniers et des plus illustres représentants de la philosophie païenne[1]. Il y a longtemps que cette vérité a été soup-

  1. Nous aurons plus d’une fois occasion, dans le cours de cette Étude d’employer ces mots paganisme ou polythéisme pour désigner la religion qui a précédé, dans le monde grec et romain, l’établissement du christianisme. Toutefois, nous ferons remarquer, dès à présent, qu’appliquées à la théodicée des philosophes dignes de ce nom, ces expressions ne doivent pas être prises au pied de la lettre. Les philosophes de l’antiquité ont généralement admis l’unité de Dieu, et ceux de l’école d’Alexandrie, en particulier, ont poussé jusqu’à l’excès l’idée qu’ils se faisaient de ce premier attribut, ou même, pour parler comme eux, de cet unique attribut