Si je me peins un Dieu, je me peins ses vertus,
Et se le peindre ainsi, c'est le voir dans Jésus. [40]
Votre Religion vous promet un Messie ;
Vous attendez l'effet de cette prophétie.
Un Dieu, m'avez-vous dit, sous les traits d'un mortel,
Doit descendre ici bas pour nous ouvrir le ciel.
Et quel mortel plus digne en ces lieux d'injustice , [45]
Peut chasser de vos coeurs la noirceur, la malice ?
Il est afflable et doux, il pardonne aisément,
Et pour faire du bien il est toujours ardent.
Qu'on soit puissant ou riche , ou bien dans la misère,
Il aime son prochain, et tout homme est son frère. [50]
Il fait grâce au coupable, et par lui consolé,
Pour s'éloigner du crime, il devient plus zélé ;
Et c'est par sa douceur, cette grande clémence ,
Que du Peuple en ces lieux il a la confiance.
Puisqu'il vous faut un Dieu, choisissez celui-ci, [55]
Et nous autres Romains, ha ! Puissions nous aussi
En avoir un pareil ! Car, à voir nos idoles,
Qui pourrait retenir ses écrits, ses paroles ?
Nous adorons, la pierre; et le bois bien sculpté
Est, comme un Dieu, par nous dans Rome respecté ; [60]
Et plus grossiers encor les Égyptiens barbares ;
Dans leur aveuglement, se font des Dieux bizarres :
L'encensoir à la main, suivant les animaux,
Ils s'estiment bien moins que leurs vils bestiaux.
Jésus veut réformer tous ces absurdes cultes ; [65]
Contre les siens et lui pourquoi tant de tumultes ?...
Loin de le traverser, vous Ministre d'un Dieu ,
Accueillez son projet ; et Pilate en ce lieu
Estimant votre zèle et suivant votre exemple,