Mais moi tout le premier l'ai-je bien pu ;
Il me l'avait prédit,... ma trop faible vertu...
J'ai pu le renier... ô Ciel toute la vie
J'aurai regret d'avoir été traître au Messie.
Ainsi donc par les siens il vient d'être trahi, [1075]
Judas l'aura livré, dans le crime endurci
II a perdu son maître ; et moi craintif et lâche
Je n'ai pu l'avouer : ah ! Quel affreuse tache
À nous, ses compagnons, qui de tant de bienfaits,
De ses tendres avis ressentions tous les traits : [1080]
Il était notre père, il était notre maître :
Et moi le plus zélé je suis devenu traître.
Judas s'en est puni, je crains donc bien la mort...
Pour avoir pu survivre à ses jours, à son sort.
Qui nous rendra seigneur ce guide doux et sage [1085]
Qui de notre salut s'etait rendu l'otage
Riches, ou malheureux tous le mortels enfin :
Vous perdez ses bienfaits ; la veuve et l'orphelin
Seront sans defenseur. Ah ! Jésus notre maître
Était le seul ici qui se plaisait à l'être. [1090]
Allez je le prédis, notre Religion
Sera seule partout digne d'attention.
Cette secte à son chef devra donc la fortune
En vain pour se venger, la fureur peu commune
Des Prêtres et des Juifs inventant les détours [1095]
D'un homme vraiment Dieu pouvait trancher les jours.
Ils se verront les seuls, leur noire perfidie
Ne peut se soutenir contre notre Messie.
Qu'on cite une Morale, une Religion
Et plus sainte et plus belle, où les sens la passion [1100]
Liés avec plus d'art puissent dans leur faiblesse
Attacher les humains aux moeurs, à la sagesse.