Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
BOILEAU.

rigueur de leur critique. J’espère qu’ils le feront avec le même succès ; et je puis les assurer que tous leurs discours ne m’obligeront point à rompre l’espèce de vœu que j’ai fait de ne jamais défendre mes ouvrages, quand on n’en attaquera que les mots et les syllabes. Je saurai fort bien soutenir contre ces censeurs Homère, Horace, Virgile, et tous ces autres grands personnages dont j’admire les écrits ; mais pour mes écrits, que je n’admire point, c’est à ceux qui les approuveront à trouver des raisons pour les défendre. C’est tout l’avis que j’ai à donner ici au lecteur.

La bienséance néanmoins voudroit, ce me semble, que je fisse quelque excuse au beau sexe de la liberté que je me suis donnée de peindre ses vices ; mais, au fond, toutes les peintures que je fais dans ma satire sont si générales, que, bien loin d’appréhender que les femmes s’en offensent, c’est sur leur approbation et sur leur curiosité que je fonde la plus grande espérance du succès de mon ouvrage. Une chose au moins dont je suis certain qu’elles me loueront, c’est d’avoir trouvé moyen, dans une matière aussi délicate que celle que j’y traite, de ne pas laisser échapper un seul mot qui pût le moins du monde blesser la pudeur. J’espère donc que j’obtiendrai aisément ma grâce, et qu’elles ne seront pas plus choquées des prédications que je fais contre leurs défauts dans cette satire, que des satires que les prédicateurs font tous les jours en chaire contre ces mêmes défauts.