Un astrolabe en main, elle a, dans sa gouttière,
À suivre Jupiter[1] passé la nuit entière.
Gardons de la troubler. Sa science, je croi,
Aura pour s’occuper ce jour plus d’un emploi :
D’un nouveau microscope on doit, en sa présence,
Tantôt chez Delancé[2] faire l’expérience,
Puis d’une femme morte avec son embryon
Il faut chez du Verney[3] voir la dissection.
Rien n’échappe aux regards de notre curieuse[4].
Mais qui vient sur ses pas ? c’est une précieuse[5],
Reste de ces esprits jadis si renommés
Que d’un coup de son art Molière a diffamés[6].
De tous leurs sentimens cette noble héritière
Maintient encore ici leur secte façonnière.
C’est chez, elle toujours que les fades auteurs
S’en vont se consoler du mépris des lecteurs.
Elle y reçoit leur plainte ; et sa docte demeure
Aux Perrins, aux Coras, est ouverte à toute heure.
Là, du faux bel esprit se tiennent les bureaux :
Là, tous les vers sont bons pourvu qu’ils soient nouveaux.
Au mauvais goût public la belle y fait la guerre :
Plaint Pradon opprimé des sifflets du parterre ;
Rit des vains amateurs du grec et du latin ;
Dans la balance met Aristote et Cotin ;
Puis, d’une main encor plus fine et plus habile,
Pèse sans passion Chapelain et Virgile :
Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés,
Mais pourtant confessant qu’il a quelques beautés ;
- ↑ Une des sept planètes.
- ↑ Chez qui on faisait beaucoup d’expériences de physique.
- ↑ Médecin du roi, connu pour être très-savant dans l’anatomie.
- ↑ Mme de La Sablière.
- ↑ Mme Deshoulières, qui était une des protectrices de Pradon, et qui fit un sonnet contre la Phèdre de Racine.
- ↑ Voyez la comédie des Précieuses.