Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
SATIRE X.

Ne trouve en Chapelain, quoi qu’ait dit la satire,
Autre défaut, sinon qu’on ne le sauroit lire ;
Et, pour faire goûter son livre à l’univers,
Croit qu’il faudroit en prose y mettre tous les vers.
CrÀ quoi bon m’étaler cette bizarre école
Du mauvais sens, dis-tu, prêché par une folle !
De livres et d’écrits bourgeois admirateur,
Vais-je épouser ici quelque apprentive auteur ?
Savez-vous que l’épouse avec qui je me lie
Compte entre ses parens des princes d’Italie ;
Sort d’aïeux dont les noms… ? Je t’entends, et je voi
D’où vient que tu t’es fait secrétaire du roi :
Il falloit de ce titre appuyer ta naissance.
Cependant (t’avouerai-je ici mon insolence ?),
Si quelque objet pareil chez moi, deçà les monts,
Pour m’épouser entroit avec tous ces grands noms,
Le sourcil rehaussé d’orgueilleuses chimères ;
Je lui dirais bientôt : Je connois tous vos pères ;
Je sais qu’ils ont brillé dans ce fameux combat[1]
Où sous l’un des Valois Enghien sauva l’État.
D’Hozier n’en convient pas ; mais, quoi qu’il en puisse être,
Je ne suis point si sot que d’épouser mon maître.
Ainsi donc, au plus tôt délogeant de ces lieux,
Allez, princesse, allez, avec tous vos aïeux,
Sur le pompeux débris des lances espagnoles,
Coucher, si vous voulez, aux champs de Cérisoles :
Ma maison ni mon lit ne sont point faits pour vous.
MaJ’admire, poursuis-tu, votre noble courroux.
Souvenez-vous pourtant que ma famille illustre
De l’assistance au sceau ne tire point son lustre[2] ;
Et que, né dans Paris de magistrats connus,

  1. Combat de Cérisoles, gagné par le duc d’Enghien, en Italie, le 15 avril 1544.
  2. Les secrétaires du roi nouvellement établis assistoient au sceau.