Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

occupé de son art, dans l’intimité de Racine, choyé et aimé de tout ce qu’il y avait alors d’esprits distingués. Molière, La Fontaine et Chapelle, formaient, avec son cher Racine, sa société habituelle et allaient souvent le visiter dans son jardin d’Auteuil, pendant la belle saison. Qui n’a été voir, au moins au printemps, ce village si charmant avant les malheureuses dévastations d’une année de guerre et de discordes civiles, ce village consacré par tant de souvenirs, et cette maison si humble, à un seul étage, aux murs tapissés de vignes, où Boileau fit ses premiers vers ?

Auteuil ! lieu favori, lieu saint pour les poëtes,
Que de rivaux de gloire unis sous tes berceaux !
C’est là qu’au milieu d’eux, l’élégant Despréaux,
Législateur du goût, au goût toujours fidèle,
Enseignait le bel art, dont il offre un modèle.
Là, Molière esquissant ses comiques portraits,
De Chrysale ou d’Arnolphe a dessiné les traits.
Dans la forêt ombreuse et le long des prairies,
La Fontaine égarait ses douces rêveries.
Là, Racine évoquait Andromaque et Pyrrhus,
Contre Néron puissant faisait tonner Burrhus,
Peignait de Phèdre en pleurs, le tragique délire…
Ces pleurs harmonieux que modulait sa lyre
Ont mouillé le rivage, et de ses vers sacrés
La flamme anime encor les échos inspirés.

(Chénier, La Promenade.)

C’est là, dans cette retraite d’Auteuil, entouré de ces grands écrivains, qui tous étaient ses amis, que Boileau a passé les heures les plus fortunées de sa