Mais Louis d’un regard sait bientôt la fixer :
Le destin à ses yeux n’oseroit balancer.
Bientôt avec Gramont courent Mars et Bellone :
Le Rhin à leur aspect d’épouvante frissonne,
Quand, pour nouvelle alarme à ses esprits glacés,
Un bruit s’épand qu’Enghien et Condé[1] sont passés ;
Condé, dont le seul nom fait tomber les murailles,
Force les escadrons, et gagne les batailles ;
Enghien, de son hymen le seul et digne fruit,
Par lui dès son enfance à la victoire instruit.
L’ennemi renversé fuit et gagne la plaine ;
Le dieu lui-même cède au torrent qui l’entraîne ;
Et seul, désespéré, pleurant ses vains efforts,
Abandonne à Louis la victoire et ses bords.
Du fleuve ainsi dompté la déroute éclatante
À Wurts[2] jusqu’en son camp va porter l’épouvante.
Wurts, l’espoir du pays, et l’appui de ses murs ;
Wurts… Ah ! quel nom, grand roi, quel Hector que ce Wurts.
Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles,
Que j’allois à tes yeux étaler de merveilles !
Bientôt on eût vu Skink[3] dans mes vers emporté
De ses fameux remparts démentir la fierté ;
Bientôt… Mais Wurts s’oppose à l’ardeur qui m’anime.
Finissons, il est temps : aussi bien si la rime
Alloit mal à propos m’engager dans Arnheim[4],
Je ne sais pour sortir de porte qu’Hildesheim[5].
Oh ! que le ciel, soigneux de notre poésie,
Grand roi, ne nous fit-il plus voisins de l’Asie !
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