Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/366

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En défendent l’entrée à la clarté du jour.
Là, parmi les douceurs d’un tranquille silence,
Règne sur le duvet une heureuse indolence.
C’est là que le prélat[1], muni d’un déjeuner,
Dormant d’un léger somme, attendoit le dîner.
La jeunesse en sa fleur brille sur son visage :
Son menton sur son sein descend à double étage ;
Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur,
Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.
FaLa déesse en entrant, qui voit la nappe mise,
Admire un si bel ordre, et reconnoît l’Église,
Et, marchant à grands pas vers le lieu du repos,
Au prélat sommeillant elle adresse ces mots :
Au« Tu dors, prélat, tu dors ! et là-haut à ta place
Le chantre[2] aux yeux du chœur étale son audace,
Chante les oremus, fait des processions,
Et répand à grands flots les bénédictions !
Tu dors ! attends-tu donc que, sans bulle et sans titre,
Il te ravisse encor le rochet et la mitre ?
Sors de ce lit oiseux qui te tient attaché,
Et renonce au repos, ou bien à l’évêché. »
EtElle dit : et, du vent de sa bouche profane,
Lui souffle avec ces mots l’ardeur de la chicane.
Le prélat se réveille, et, plein d’émotion,
Lui donne toutefois la bénédiction.
LuTel qu’on voit un taureau qu’une guêpe en furie
A piqué dans les flancs aux dépens de sa vie ;
Le superbe animal, agité de tourmens,
Exhale sa douleur en longs mugissemens :

  1. Ce personnage était Claude Audri, d’abord camérier du cardinal
    Mazarin, puis évêque de Coutances, enfin trésorier de la Sainte-Chapelle.
  2. Le chantre se nommait Jacque Barrin, et était le fils du maître
    des requêtes La Galissonnière.