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LE SORCIER

l’habitude de la douceur des paupières retombées. Elle est fixe à jamais ; et tout œil, vide de surnaturelle fièvre, se baissera devant elle. Tandis que les livres des mystiques et des saintes regorgent de la louange des larmes, — le don des larmes, dit l’Église, — lui le sorcier, le damné, sent sa prunelle devenir aride pour jamais. Les ouvrages des inquisiteurs spécifient qu’il ne peut verser que trois larmes de l’œil droit. Il est devenu l’inflexible et l’impassible. Au moyen âge, quand le sorcier était à la fois redouté, traqué et torturé, cette physionomie de révolte impénitente lui sied[1]. C’est le dernier des stoïciens, le silencieux, tandis que le troupeau des chrétiens bêle ou rugit, se cabre d’effroi ou déchire. Il ne pleure pas, plutôt il ne pleure plus. Il a pris son parti d’endosser tous les vices, sauf celui de se trahir, toutes les hontes, sauf celle de les reconnaître. Tandis que les dalles des cloîtres s’attendrissent à l’intarissable ruisseau des pleurs repentants, lui le dissident, l’hérétique, enfoui dans les bruyères, celé par les joncs du marécage ou par les fondrières des ruines, il garde un œil vigilant que n’obscurcit aucune brume montée de ses douleurs ; et il rit, il rit de ce ricanement furieux, épanoui, de la brute lâchée aux instincts, ivre des passions.

Il ne fascine pas seulement par les yeux, sa parole aussi est funeste, réprobante ou louangeuse, louangeuse surtout ; son geste sait sculpter la promesse invisible de la mort[2].

Le premier, le plus sincère et le seul anarchiste. Il

  1. « Rébellion, dit Samuel, est comme le péché des devins. »
  2. La sorcière possède au même titre que le sorcier le don de fasciner ; mais elle « charme » surtout par le rythme, l’intonation, les grâces rauques ou languissantes des incantations. (Voir le chapitre iii de la IIe partie. L’Envoûtement d’amour.)