Page:Bois - Le Satanisme et la magie.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
LE MAGE

orageux et insociable ; car si j’étudie un peu plus loin ton portrait, à tes cheveux hérisses, à tes mains rétractiles, à tes yeux inquiets, à ta bouche froissée de dédain et d’épouvante, à l’acuité de tes joues, à ta devise : « Phi Diabolo ! » (on n’insulte que son plus victorieux ennemi), je reconnais le martyr de la manie des persécutions, le sage plus impatient et plus irrité qu’un amoureux, celui qui, ayant fail taire le bruit inutile des cités et le vague frémissement des campagnes, a réveillé en lui l’insolite clameur, les turbulences, les insanités du « moi ».

Auprès de toi, ton fidèle chiea te garde ; tu semblés écouter des voix formidables et vengeresses, l’éloquence blasphématoire du vertige ; « Dieu me conduit, » dis-tu. Je ne sais, mais ta main tremble poussée par une force dont tu n’es guère le maître ; à la façon dont tu tiens ton calame, tu as exactement le geste que s’est accordé M. Stead, en l’an de grâce 1894, au seuil d’un des numéros de sa revue occultiste « le Borderland », M. Stead, journaliste tapageur, devenu médium auditif et écrivain.


Cependant, vieux Kunrath, tu as été le meilleur de tous, ayant paru dédaigner les prestiges trop ostensiblement évocatoires, t’élant restreint aux commentaires des livres sacrés, répudiant toute bibliothèque profane, ne t’asseyant que devant l’athanor, ne t’agenouillant que devant les noms divins, — et parfois pour te distraire, jouant de la très pure lyre !


Si je regarde tes frères, si j’ausculte la palpitation de leur vie, quelle tristesse n’en sort-il pas !

Ayant voulu devenir des dieux, trop souvent ils se défigurèrent en monstres.