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LE MAGE

activité. Jamais existence ne fut plus traversée de menaces de mort ; cependant cette existence fut longue et hérissée de missions. Raymond Lulle échappe à tout. Les rois cherchent à le retenir, car il pourrait, en quelques jours, lui qui détient le secret de la pierre philosophale, remplir leurs coffres d’or. Les Africains, irrités contre l’adversaire de leur prophète Mahomet, l’ensevelissent sous les pierres et les coups ; Raymond Lulle ne peut retenir la mort ; c’est un des voyageurs les plus infatigables et jamais depuis les premiers apôtres, un cœur aussi vaillant, aussi inlassable, n’a combattu. Mais le pape le méprise, son pays le renie, l’Angleterre le poursuit, les Génois après sa mort cherchent à l’exploiter, à le vendre, morceau par morceau, les reliques atteignant à cette époque un prix considérable ; et ce pauvre éternel qui avait cherché la mort pendant plus de quatre-vingts ans ne trouva toujours que la vie, cette néfaste vie, comme un immérité châtiment. Quand il mourut, il dut sur son vaisseau-sépulcre songer à l’énormité de ses efforts, à la multitude de ses livres, à la désorientation de sa vie, qui n’aboutissaient à cause de l’occultisme qu’à une réputation incomplète et au reniement de tous ceux qu’il avait aimés et défendus plus que lui-même, entre autres le pape et le roi.

Bien autre mésaventure advint à Jean Dee, cœur naïf et ardent, bon souffleur[1]. Il eût certes mené une vie honorable et honorée, s’il n’avait rencontré un aventurier, au pseudonyme de Kelley, qui avait eu les oreilles coupées pour faux. Désormais l’existence du sage est empoisonnée. L’infatuation mystique le détraque, il se croit le corres-

  1. Vita Johannis Dee. Londres, 1707.