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LE SABBAT

dit-il, ne descendez-vous pas, pareilles aux dieux, de la porte du Capricorne, qui est cette figure du Bouc par lequel vous êtes transportées. Vous avez franchi la porte des voies suprêmes ; mais que vous êtes lentes et sottes, indignes encore de moi ! » Exaspérées par l’orgueil, par l’outrage, elles essorent et s’élancent, fusées bruyantes. Et elles foncent bas, plus vite qu’un aigle ou qu’un milan sur sa proie. En somme, l’aspect fantastique s’adoucit et s’accentue en réalisme. Si la forêt de Brocéliande s’illumine de féeries, si le ciel est sillonné par les chars des Valkurs où deux chats ailés s’attellent, si la Corne de Mai, le grand vase à boire, le calice, le gobelet du Diable, rappellent les banquets d’Odin, — la foule déguenillée, éprise de chahut et de lascivités, fait songer déjà, mais avec quelle pompe supérieure, quelle beauté grandiose de décor, quel attirail dramatique, aux infâmes cohues des lieux de plaisirs où s’atrophient les modernes névroses, à nos bals en plein vent, exhibant et vendant de la chair. Au lieu de fanaux électriques, des cierges noirs, égouttant du suit humain, émergent de séants, haussés, de vieilles, ou s’érigent, sur la plante de leurs pieds retournés vers le firmament noir. Certains démonographes romantisant, la fête houleuse l’illuminent de bras d’enfants morts ; mais l’allure générale est moins fétide. Je vois le sabbat en foire de marchands mêlés, en kermesse : là des saltimbanques, des ventriloques, des montreurs de bêtes, des faiseurs de tours, des jongleurs, tout ce qu’il faut pour ravir la sottise populacière. Le délire s’accélère par le nombre des délirants ; les bêtes s’en mêlent, et les idiots et les farceurs ; tous les difformes de la terre, disgraciés, boiteux, bossus, estropiats, vieux décrépits et caducs y dansent au milieu du