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LE SATANISME ET LA MAGIE

immolés sur les autels de la Force. Typhon s’allie à Satan, Siva fraternise avec Ahriman. Le souvenir de Moloch conforte Lucifer[1]. De tous les coins noirs de l’espace, le verbe impératif mobilise les légions des divinités déchues, fantomales et voraces, des démons les plus oubliés et les moins repus. Tantôt il rappelle les vertus de l’ennemi afin d’exciter les fatales jalousies du vertige, tantôt il célèbre les vices et les défaillances, afin que par ces chemins mystiques, pavés de péchés, la caravane orageuse parvienne jusqu’au cœur condamné.

Et le refrain de la souple et sauvage querelle, c’est la phrase, austère, farouche, que réchauffe d’une larme irritée l’ « eau maudite[2] » secouée sur le front déjà flétri de la dagyde : « Qu’il revête ma malédiction comme un vêtement, qu’elle pénètre dans ses entrailles comme un liquide, qu’elle descende dans ses os comme un Dieu. »

« Induat maledictionem sicut vestimentum, intret sicut aqua in interiora ejus et sicut deus in ossibus ejus ! »

Après un certain nombre de ces combats emphatiques et étriqués, lorsque l’effigie totalement s’écroule, elle est transpercée au cœur et jetée au feu. L’envoûté meurt en même temps que fondent les derniers vestiges de son sosie de cire[3].

  1. « Il y aussi l’imprécation par Typhon-Seth. Elle menace l’ennemi par « la terreur » et par « la flamme ». Elle vaut en grec.
  2. Il y a en magie une « eau maudite », comme à l’Eglise l’eau bénite.
  3. Voici comment Jean Wier comprend l’envoûtement ; je cite ce passage, car il peut passer pour une variante de mon récit :

    « Quelques-uns pensent faire tort à autruy faisant une image au nom de celui qu’ils veulent blesser, ils la font de cire vierge et neuve et lui mettent le cœur d’une hirondelle dessous l’aisselle droite, et le foie sous la fenêtre. Item ils se pendent au col l’effigie avec un fil tout neuf, laquelle ils piquent en quelque membre avec une aiguille neuve en disant quelques mots, lesquels j’ai laissés exprès de crainte que les curieux n’en abusassent. Cette image est quelquefois faite d’airain, et pour plus grande diformité ils lui retournent les membres, comme lui faisant un pied au lieu d’une main, ou une main au lieu d’un pied, et lui retournant la face et le devant en arrière. Pour lui faire un plus cruel mal, ils font une image en forme d’un homme, ils lui écrivent un certain nom dessus la teste : et aux costés ils mettent ceci : Alif, lafeil, Zazahit mel meltat lenata leutace : puis ils l’enterrent dedans un sépulcre. Pour le méme effet, comme ils appellent, ils préparent deux images lorsque Mars domine, Pune est faite de cire, l’autre est faite de la terre d’un homme mort, on baille le fer duquel un homme sera mort en la main de l’une des images pour en percer la tête de l’image qui représente celui que l’on veut faire mourir. On écrit deux noms en l’une et en l’autre, avec des caractères particuliers que l’on fait à part, et ainsi l’autre est cachée et posée en un certain lieu. »