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L’ENVOUTEMENT DE HAINE

Parfois, la statuette est trouvée trop molle, trop froide, trop morte. Le sorcier a besoin d’un objet plus pantelant ; l’ivresse du sang qui coule, de la chair qui se crispe, il la lui faut. Alors, il choisit comme matière de l’ « œuvre » un animal (celui duquel se rapproche le plus son ennemi) et il s’exerce sur lui avec d’autant plus de rage, s’il crie, avec d’autant plus de joie, s’il agonise dans ses blessures. Le crapaud, le serpent, la chouette, la souris ont les préférences du nécromant.

Une méthode différente, qui relève moins de cette esthétique abominablement pittoresque, c’est la « Charge »[1]. Le

  1. J’apporte à mon assertion, entre divers témoignages, celui de Del Rio, qui veut surtout voir en cette basse cérémonie un pacte satanique :

    « André Casalpin escrit que les sorcières ont accoutumé d’enterrer des testes et peaux de serpents sous le seuil de la porte ou dans les coins de la maison, afin d’y semer de la haine et des dissentions. Mais ces saletéslà sont seulement les signes visibles de la convention qu’elles ont faites avecque le diable. Car le maléfice et sortilège de la haine n’a point d’autre auteur que Satan. Les drogues mêmes ne pouvaient pas naturellement faire autre chose qu’exciter un sang noir et boueux dedans l’homme, l’affliger d’une griefve mélancolie, brûler l’abondance de ses humeurs, et luy faire naître un froid pernicieux dedans le corps : d’où s’enfuiront une férocité, morosité, cruauté et misanthropie (c’est-à-dire hayne des hommes) telle qu’elle est ès loups-garoux ou lycantropes.

    « Quant au maléfice de l’oubliance, il fait parfois les hommes négligeant tellement leurs femmes qu’ils semblent n’en avoir plus aucune mémoire ny souvenance. Je le confirmerai par un exemple emprunté de Casalpin. Il y eut, dit-il, un jeune homme en la ville de saint Germinias en Istrurie, lequel devint si fort amoureux d’une sorcière, qu’il quitta sa femme belle et honnête, et tous ses enfants, pour venir vivre avec elle. Il y vécut sans souvenir des siens, jusques à tant que sa femme, avertie du maléfice, le vînt trouver, et recherchant en cachette les instruments de ce sort, trouva dessous son lit un crapaud enfermé dedans un pot, lequel avait les yeux cousus et bouchés. Elle le prit, puis lui désillant la vue, le fit brûler : et tout soudain son mari se remettant les siens en mémoire, et se réveillant de ce sommeil ensorcelé, s’en retourna quant et sa femme et ses enfants. »


    L’exemple qui va suivre est plus définitif encore, car il témoigne d’une efficacité, physique ou chimique, du charme, diminuant ou augmentant selon sa dose. En ceci Del Rio se montre plus sincère anecdotier que bon théoricien ; son idée de « pacte satanique » à propos de la charge, idée déjà toute gratuite, ne peut plus tenir debout, lorsqu’on a goûté l’histoire ci-après.


    « Une femme mariée fut par une autre sorcière sa voisine, rendue si grièvement malade pour s’être plainte de quelque dommage reçu dans son jardin qu’elle sentait continuellement des douleurs de ventre et des tranchées très aiguës dedans les deux costes, comme si deux couteaux eussent été fichés dedans son estomach. À quoy le seul remède fut par la révélation qu’en fit l’amoureux de la Sorcière de fouiller dessous l’huys de la porte, où l’on retrouva le sort, sçavoir est une certaine image de cire longue d’un empan, percée de toutes parts, et ayant deux aiguilles fichées au travers des deux costes, avec laquelle estoit diverses pièces de drap contenant plusieurs tant grains que semences, puis tout cela jetté dedans le feu, la santé lui fut rendue, mais non pas toute entière, ainsi qu’auparavant, d’autant, disoit-elle, qu’il estoit encore là demeuré quelque chose de caché, qu’on aurait pas su trouver. »

    (Del Rio.)