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LE SATANISME ET LA MAGIE

elle — harpie nouvelle, impalpable limace, sangsue fantomale qui lentement boit la vie…

Un trouble inexplicable agite l’envoûté : il se cogne à tous les meubles comme un homme ivre, rabâche comme un toque, voit devant ses prunelles lassées les mouches dansantes et noires de la cécité future, puis les insectes violets de l’étisie. Le médecin consulté hoche la tête, dit tout au plus : « Vous avez le scotome étincelant, » n’ose avouer que c’est présage de folie.

Le seul remède, c’est l’opération magique, telle que nous la décrivîmes[1], mais prise à rebours, destructrice de la larve, au lieu d’en être créatrice. Le Diable seul peut guérir les maux du Diable selon le grimoire. Généralement c’est la même incantation que pour l’envoûtement, mais dite à l’envers. Le poing du sorcier exorciste s’arme cette fois, non de la fourche satanique, mais de l’épée, dont la pointe rougie déchire tout autour l’organisme fluidique en maraude, car auprès de l’opérateur l’envoûté attend sa délivrance. Pour plus de précaution, ayant répandu autour du cercle une forte charge de poudre à canon, il y met enfin le feu. Les éclats sonores éparpillent dans l’air le fœtus-vampire. À ce moment l’envoûteur doit mourir d’un coup de sang, sa vie propre étant frappée en la vie de l’embryon… Le contresigne a créé le choc en retour, qui est impitoyable[2].

Pour terminer il ne faudrait pas croire que l’envoûte-

  1. (Ch. vii), Évocation du Diable (1re partie).
  2. À ce propos je me plais à signaler la vacuité intempérante des spéciaux chapitres sur l’Envoûtement dans le Dogme et le Rituel d’Eliphas Lévy. Ce mage pompeux et hypertrophique m’illusionna jusqu’au jour où je le pris corps à corps, serrant ses phrases, distillant ses pensées ; rien ne me resta en les mains que du vide sonore. Ne savait-il rien, ainsi que sa plus moderne école, ou ne voulait-il pas éventer la mèche du diable ? Le plus étrange, c’est que Eliphas préconise une sorte d’envoûtement, dénommé « envoûtement de justice ». Il ose écrire : « Il ne faut pas croire que le pouvoir de vie et de mort qui appartient secrètement au mage, ait été toujours exercé pour satisfaire quelque lâche vengeance ou une cupidité plus lâche encore. Au moyen âge et dans l’antiquité, les associations magiques ont souvent foudroyé ou fait lentement périr les révélateurs ou les profanateurs des mystères ». Le nécromant parle ensuite d’aqua toffana, de bouquet aromatisé et « d’autres instruments plus inconnus et plus étranges. » Nul n’a le droit de tuer. Jésus l’a dit, Tolstoï l’a répété. L’envoûtement de justice est tout simplement un assassinat. Décidément le mage au front d’orgueil s’achève en vil criminel.