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LE SATANISME ET LA MAGIE

elle grimacent au goût de la miche étrange, amère comme du peyret. « N’es-tu pas le Diable, Beau Renard ? » Mais le voilà tout à fait semblable à un homme qui lui dit : « Je me nomme Morguet ; je serai, si tu veux, ton véritable époux. — Je veux bien, » dit-elle… Aussitôt après, plus puissant d’être satisfait, le regard en étincelles comme un feu de Saint-Jean : « Vois tu ce bâton ? explique-t-il ; quand tu me voudras, tu le chevaucheras, et il te portera à la Synagogue. — Mais comment pourra-t-il me transporter, messire ? — Tu n’auras qu’à t’écrier : « Bâton blanc. Bâton noir, porte-moi là où tu dois… »

Brusquement elle sursaute ; que s’est-il passé sous l’orme des fées ? Il lui semble qu’elle se réveille… mais entre ses mains reste le petit bâton blanc. D’où lui vient cette branche taillée ?…

En tout cas, comment résisterait-elle à sa curiosité de femme, chatouillée par l’Incube ? La nuit même, tandis que sommeille la brute à qui la lia le prêtre, elle saute par la fenêtre, va dans un buisson, sous les lueurs d’Hécate, ramasser le cadeau de Morguet. Un trouble étrange lui vient de la lune, de se sentir presque nue parmi la nature complice qui la frôle de brindilles concupiscentes ; un vertige l’entraîne tandis qu’elle prononce la brève conjuration, que le bâton magnétique froidit ses jambes. Qu’est-ce qui la fouette et la soulève ? partirait-elle en effet ? Le paysage tourne devant ses yeux qui se closent à demi, et elle ressent la volupté d’une fuite involontaire sur un mince cheval qui aurait pris le mors. Tout à coup une brutalité la renverse… elle ouvre les paupières ; autour d’elle des hommes, des femmes, boivent et mangent, on lui rit au nez, on lui souffle au visage, on la fait boire…