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VII

Il est pourtant, en dépit de ces mêmes progrès, une partie du vocabulaire grec qui continue de nous échapper, et les tentatives de toute sorte qui ont été faites pour y voir de l’indo-européen ont échoué. Il était au demeurant peu logique de penser que tout le vocabulaire hellénique pût être d’origine indo-européenne ; aucune langue européenne n’est pure de mélange ; le latin, qui n’est ni la plus claire ni la mieux connue des langues, contient une certaine proportion d’étrusque ; pourquoi le grec aurait-il échappé à tout contact avec les idiomes voisins, d’autant que les Hellènes ne sont pas des autochtones en Grèce ? Ils ont traversé d’autres contrées avant d’atteindre aux rivages de la mer Égée et de la mer Ionienne, et ici même ils ont dû déloger ou s’assimiler d’autres populations qui ne parlaient aucun idiome indo-européen ; ils ont notamment rencontré dans le sud de la presqu’île balkanique une faune et une flore différentes de la flore et de la faune de l’Europe centrale, et, dans la majorité des cas, ils ont probablement, en les modifiant à peine, conservé aux animaux et aux plantes qu’ils découvraient les noms que leur avaient octroyés leurs prédécesseurs ; or, que savons-nous des langues que parlaient ceux-ci ? Autant dire rien : le nom des Pélasges a la valeur d’un X algébrique ; Lemnos a fourni une inscription en langue inconnue ; Praisos (Crète), des débris d’un idiome ignoré, en caractères grecs ; Cypre a usé d’un syllabaire aujourd’hui déchiffré pour noter une langue dont le fond nous échappe, et les monuments crétois dits « minoens » du second millénaire antéchrétien ont jusqu’ici farouchement défendu leur secret. En Asie mineure, trois langues ont vécu côte à côte avec le grec ; or, le phrygien, pour être indo européen, n’en est pas moins à peu près inconnu ; le carien et le lydien appartiennent vraisemblablement à un autre groupe linguistique, mais les hypothèses les moins hardies le sont encore trop. Quant à l’influence sémitique, au rebours de ce que certains ont cru, elle a été très faible et s’est bornée à l’adoption par les Grecs, avec les noms des lettres de l’alphabet, de quelques termes commerciaux, en nombre vraiment restreint ; le livre de M. H. Lewy, Die semitischen Fremdwörter im Griechlschen (1895),