Page:Boissay & Flammarion - De Paris à Vaucouleurs à vol d'oiseau, 1873.djvu/20

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succession de terrains boisés qui nous accompagneront désormais jusqu’à notre descente, puis nous entrons dans la Meuse.

À une heure nous nous trouvons sous une couche de nuages vaporeux ; Godard jette du l’est et nous les traversons. Au moment où nous en sortons, la silhouette de la nacelle et du bas de l’aérostat se dessine en traits sombres sur le nuage et s’encadre circulairement d’un léger arc-en-ciel : — la nature se parait de toutes ses grâces pour des débutants, et le beau phénomène de l’anthélie brillait pour nous. De magnifiques nuages d’un rouge cuivré pâle nous entourent (l’un ressemble bizarrement au bicorne légendaire de Napoléon) ; dans l’ovale qu’ils circonscivent comme un cadre doré à l’or mâle, le paysage terrestre nous apparaît plus charmant et plus doux… la brume s’épaissit et le paysage s’efface, mais les cours d’eau et les routes restent visibles au travers de la vapeur blanche, ceux-là luisants comme des ruisseaux de mercure, celles-ci brillantes et soyeuses comme des rubans de satin…

Nous atteignons notre plus grande hauteur, 2100, précisément la hauteur du col du mont Cenis où passait le chemin de fer à trois rails avant l’achèvement du grand souterrain. Bientôt la perte du gaz et la gravité nous ramènent vers la terre et l’ombre du ballon se dessine sur les prairies et glisse devant nous : ce matin elle était large et estompée de gris, actuellement elle est noire et petite.

Une grande ville passe au nord tout près de nous, nous voyons à la lorgnette les groupes se former sur les places pour admirer notre globe aérien. Après discussion, nous convenons que cette ville ne peut être que Bar-le-Duc.

C’est tout près d’ici, à Brillon, que, pendant le siège de Paris, descendit, le 14 octobre, le ballon le Godefroy Cavaignac, monté par M. Godard, père de notre aéronaute, M. de Kératry et ses deux secrétaires.

Nous remontons la vallée de l’Ornain et nous suivons presque les méandres du canal de la Marne au Rhin, qui longe toute la vallée, et que nous traversons, à une heure et demie, exactement au zénith de Ligny-en-Barrois (nous sommes étonnés de la grandeur de la ville). Nous constatons avec chagrin que le lest va nous manquer ; bientôt il faudra descendre. Pourtant le soleil ardent nous soutient encore, et nous voulons choisir notre point d’attérissement. Nous nous dirigeons vers Vaucouleurs ; c’est là un lieu historique célèbre, nous espérons y trouver une gare de chemin de fer pour recevoir notre matériel et nous décidons d’y opérer la descente. Une heure plus tard, Vaucouleurs, dont nous avions annoncé l’approche d’après la carte longtemps avant qu’elle fût visible sur l’horizon, apparaissait tout près de nous ;