Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/146

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quelques contretemps dans ce commerce aventureux. Quoiqu’on y fît d’ordinaire de grands bénéfices, on pouvait courir aussi quelques dangers. Après avoir subi pendant deux siècles la domination romaine, toutes les villes alliées et municipales, surtout celles de l’Asie, étaient complètement ruinées. Elles avaient toutes moins de revenus que de dettes, et les proconsuls, unis aux fermiers de l’impôt, achevaient si bien de leur enlever leurs dernières ressources, qu’il ne restait plus rien à prendre aux créanciers, quand ils ne se pressaient pas. C’est ce qui arriva une fois à Atticus malgré son activité. On voit que Cicéron le plaisante, dans une de ses lettres, sur le siège qu’il est allé mettre devant Sicyone[1] : ce siège était évidemment celui de quelques débiteurs récalcitrants ; Atticus n’a jamais fait d’autres campagnes. Du reste, celle-là lui réussit mal. Pendant qu’il allait ainsi en guerre contre cette malheureuse ville endettée, le sénat en prit pitié, et la protégea par un décret contre ses créanciers trop exigeants, en sorte qu’Atticus, qui était parti d’Épire en conquérant, enseignes déployées, fut réduit, dit Cicéron, quand il fut arrivé sous les murailles, à arracher aux Sicyoniens quelques pauvres petits écus (nummulorum aliquid) à force de prières et de caresses[2]. Il faut croire cependant qu’Atticus était ordinairement plus heureux dans le placement de ses fonds, et sa prudence bien connue nous assure qu’il savait choisir des débiteurs plus solvables. Ce qui est certain, c’est que tous ces métiers qu’il faisait n’auraient pas tardé à le rendre très riche ; mais il n’eut même pas besoin de se donner tant de peine, et pendant qu’il travaillait si adroitement à faire sa fortune, elle lui arriva toute faite d’un autre côté. Il avait un oncle, Q. Cæcilius, qui passait pour le plus terrible usurier de

  1. Ad Att., I, 13.
  2. Ad Att., I, 19.