Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/168

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nombre soutenait l’opinion contraire, et, à la faveur de ces discussions, bien des gens s’étaient, crus autorisés à se faire une sorte d’oisiveté élégante, dans de voluptueuses retraites, embellies par les lettres et les arts, où ils vivaient heureux tandis que la Grèce périssait.

Atticus suivit leur exemple. Important à Rome cette habitude de la Grèce, il annonça hautement la résolution qu’il avait prise de ne point se mêler aux discussions politiques. Il commença par se tenir habilement à l’écart pendant toutes ces querelles qui ne cessèrent d’agiter Rome depuis le consulat de Cicéron jusqu’aux guerres civiles. Au moment même où ces luttes étaient les plus vives, il fréquentait tous les partis, il avait des amis de tous les côtés, et trouvait dans ces amitiés éparses un nouveau prétexte pour rester neutre. Quand César passa le Rubicon, Atticus avait plus de soixante ans, âge où cessait pour les Romains l’obligation du service militaire. C’était une raison de plus pour se tenir tranquille ; il ne manqua pas de s’en servir. « J’ai pris ma retraite[1], » répondait-il à ceux qui voulaient l’enrôler. Il tint la même conduite, et avec le même succès, après la mort de César ; mais alors il trompa davantage l’opinion publique. On le savait si bien l’ami de Brutus, qu’on pensait que cette fois il n’hésiterait pas à se déclarer. Cicéron lui-même, qui devait le connaître, y comptait ; mais Atticus ne se démentit pas, et il profita d’une occasion importante pour faire savoir au public qu’il ne voulait pas qu’on l’engageât malgré lui. Pendant que Brutus levait une armée en Grèce, quelques chevaliers, ses amis, avaient eu l’idée de faire une souscription parmi les plus riches de Rome pour lui donner les moyens de nourrir ses soldats. On s’adressa d’abord à Atticus dont on voulait mettre le nom en tête de la

  1. Cornelius Nepos, Atticus, 7. Usus es ætatis vacatione.