Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/218

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contentée, finit par se trouver mal à l’aise dans le régime nouveau. On s’explique alors la lettre étrange qu’il avait écrite à Cicéron, et cette déclaration de guerre qu’il faisait à César et à son parti. Le mécontentement s’était glissé chez lui de bonne heure. Dés le début de la guerre civile, quand on le félicitait des succès des siens, il répondait tristement : « Que me fait cette gloire, qui n’arrive pas jusqu’à moi ?[1] » C’est qu’il commençait à comprendre que dans le nouveau gouvernement il n’y avait plus de place que pour un homme, et qu’à lui seul allait appartenir désormais la gloire, comme le pouvoir. César l’emmena avec lui dans son expédition d’Espagne, sans lui donner, paraît-il, l’occasion de s’y distinguer. De retour à Rome, il fut nommé préteur, mais il n’eut pas la préture urbaine, qui était la plus honorable, et Trébonius lui fut préféré. Cette préférence, qu’il regarda comme un outrage, lui causa un violent dépit. Il résolut de s’en venger, et n’attendit qu’une occasion. Elle lui sembla venue quand il vit César partir avec toutes ses troupes pour la Thessalie à la poursuite de Pompée. Il crut qu’en l’absence du dictateur et de ses soldats, au milieu des émotions de l’Italie, dans laquelle circulaient mille bruits contradictoires sur les résultats de la lutte, il pourrait tenter un coup décisif. Le moment était bien choisi ; mais ce qui l’était mieux encore, c’était la question même sur laquelle Cælius résolut d’engager le combat. Rien ne fait plus d’Honneur à son habileté politique que d’avoir discerné si nettement les côtés faibles du parti victorieux, et d’avoir vu d’un coup d’œil la meilleure position qu’on pouvait prendre pour l’attaquer avec succès.

Quoique César fût maître de Rome et de l’Italie, et qu’on prévit que l’armée républicaine ne l’arrêterait pas, il lui restait encore de grandes difficultés à surmonter. Cælius le savait bien ; il n’ignorait pas que dans les luttes

  1. Ad fam., VIII, 15.