Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/219

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politiques le succès est souvent une épreuve pleine de dangers. Après que l’ennemi est vaincu, on a les siens à maintenir, ce qui donne quelquefois plus de peine. Il faut résister à des convoitises qu’on a tolérées jusque-là, ou même qu’on a paru encourager, quand le moment de les satisfaire semblait éloigné ; il faut surtout se défendre contre les espérances exagérées que la victoire fait naître chez ceux qui l’ont remportée, et qu’elle ne pourra pas réaliser. D’ordinaire, tant qu’on n’est pas le plus fort et qu’on veut se faire des partisans, on n’épargne pas les promesses ; mais le jour qu’on arrive au pouvoir, il est bien difficile de tenir tous les engagements qu’on a pris, et ces beaux programmes d’opposition qu’on a acceptés et répandus deviennent alors de grands embarras. César était le chef reconnu du parti démocratique ; c’est de là que lui venait sa force. On se souvient qu’il avait dit, en entrant en Italie, qu’il venait rendre la liberté à la république asservie par une poignée d’aristocrates. Or, le parti démocratique, dont il se proclamait ainsi le mandataire, avait son programme tout préparé. Ce n’était plus tout à fait celui des Gracques. Après un siècle de luttes souvent sanglantes, les haines s’étaient envenimées, et les folles résistances de l’aristocratie avaient rendu le peuple plus exigeant. Chacun des chefs qui, depuis Caïus Gracchus, s’étaient proposés à le conduire, afin de l’entraîner plus sûrement à sa suite, avait formulé pour lui quelque demande nouvelle. Clodius avait prétendu établir le droit illimité d’association et gouverner la république par les sociétés secrètes. Catilina promettait la confiscation et le pillage ; aussi son souvenir était-il resté très populaire. Cicéron parle des repas funèbres qu’on célébrait en son honneur et des fleurs dont on couvrait son tombeau[1]. César, qui

  1. Pro Flacco, 38.