Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/223

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C’étaient là des mesures vigoureuses et qui devaient blesser bien des gens ; aussi n’osa-t-il les prendre que plus tard, après Munda et Thapsus, quand son autorité n’était plus contestée par personne, et qu’il se sentait assez fort pour résister à la démocratie, son ancienne alliée. Lorsqu’il partit pour Pharsale, il avait encore beaucoup de ménagements à garder ; la prudence lui commandait de ne pas mécontenter ses amis, quand il lui restait tant d’ennemis. D’ailleurs, il y avait certaines questions qu’on ne pouvait pas remettre, tant la démocratie les avait prises à cœur et exigeait une solution immédiate. Telle était surtout l’abolition des dettes. César s’en occupa dès son retour d’Espagne ; mais ici encore, malgré les difficultés de sa situation, il ne fut pas aussi radical qu’on le supposait. Placé entre ses instincts de conservateur et les exigences de son parti, il s’arrêta à un terme moyen : au lieu d’abolir complètement les dettes, il se contenta de les réduire. Il ordonna d’abord que toutes les sommes payées jusque-là pour les intérêts seraient déduites du capital ; ensuite, pour rendre plus facile le payement de la somme ainsi diminuée, il régla que les propriétés des débiteurs seraient estimées par des arbitres, qu’on en fixerait non pas la valeur actuelle, mais celle qu’elles avaient avant la guerre civile, et que les créanciers seraient obligés de les prendre à ce taux. Suétone dit que, de cette façon, la créance était diminuée de plus du quart. Assurément, ces mesures nous paraissent encore très révolutionnaires. Nous ne comprenons pas ces interventions du pouvoir, pour spolier sans motif des particuliers d’une partie de leur fortune, et rien ne nous semble plus injuste que de voir la loi elle-même déchirer des contrats qui sont placés sous sa sauvegarde ; mais alors l’impression ne fut pas la même. Les créanciers, qui craignaient qu’on ne leur laissât rien, s’estimaient très heureux de ne pas