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II

LE VAINQUEUR ET LES VAINCUS
APRÈS PHARSALE

La guerre civile interrompit les rapports que Cicéron avait entretenus avec César pendant la guerre des Gaules. Il hésita longtemps à s’y engager, et c’est après de longues indécisions que les remords de sa conscience, la crainte de l’opinion, et surtout l’exemple de ses amis le décidèrent enfin à partir pour le camp de Pompée. « Comme le bœuf suit le troupeau, disait-il, je vais retrouver les honnêtes gens[1] ; » mais il n’y allait qu’à contrecœur et sans espérance. Après Pharsale, il ne crut pas qu’il fût possible de continuer la lutte : il le dit ouvertement dans un conseil des chefs républicains qui fut tenu à Dyrrachium, et il s’empressa de retourner à Brindes pour se mettre à la disposition du vainqueur.

Que de regrets ne dut-il pas éprouver alors, si sa pensée se reporta à quelques années en arrière et s’il se ressouvint de son retour triomphant de l’exil ! Dans cette même ville, où on l’avait reçu avec tant de fêtes, il était contraint de débarquer furtivement, de cacher ses licteurs, d’éviter la foule et de ne sortir que de nuit. Il y passa onze mois, les plus tristes de sa vie, dans l’isolement et l’anxiété. Son cœur était déchiré de tous les côtés, et ses affaires domestiques ne lui causaient pas moins de chagrin que les événements publics. Son

  1. Ad Att., VII, 7.