Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/318

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à la bouche. C’est assurément une grande gloire que d’avoir soutenu et consolé tant de nobles cœurs dans ces cruelles épreuves, et je crois bien que Caton n’en aurait pas souhaité d’autre.

III

La conséquence à tirer de la conduite de César après Pharsale et de ses rapports avec Cicéron, c’est qu’à ce moment il voulait se rapprocher du parti républicain. Il lui était difficile de faire autrement. Tant qu’il s’était agi de renverser la république, il avait accepté l’appui de tout le monde, et les plus méchants étaient venus à lui de préférence. « Quand un homme était perdu de dettes et manquait de tout, dit Cicéron, s’il était prouvé de plus qu’il fût un scélérat capable de tout oser, César en faisait son ami[1] ; » mais tous ces gens sans scrupules et sans principes, excellents pour renverser un pouvoir établi, ne valent rien pour établir un pouvoir nouveau. Il était impossible que le gouvernement de César inspirât quelque confiance tant qu’on ne verrait pas auprès du maître, et à côté de ces gens de coup de main qu’on avait appris à craindre, quelques personnages honorables qu’on eût l’habitude de respecter. Or, les personnages de ce genre se trouvaient surtout parmi les vaincus. Il faut ajouter que ce n’était pas la pensée de César qu’un parti seul profitât de sa victoire. Il avait une autre ambition que de travailler, comme Marius ou Sylla, au triomphe d’une faction : il voulait fonder un gouvernement nouveau, et il appelait des hommes d’opinion différente à l’aider dans son entreprise. On a prétendu qu’il avait cherché à réconcilier les partis, et on lui en a fait de

  1. Philipp., II, 32.