Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/334

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en curieux, comme un des exercices les plus utiles de l’esprit, mais en sage qui veut s’appliquer les leçons qu’elle donne. Il était revenu d’Athènes avec un grand renom de sagesse, que confirma sa vie honnête et réglée. L’admiration qu’excitait sa vertu redoublait quand on venait à songer dans quel milieu elle avait pris naissance, et à quels détestables exemples elle avait résisté. Sa mère Servilie avait été une des plus violentes passions de César, peut-être son premier amour. Elle eut toujours sur lui un grand empire, et en profita pour s’enrichir après Pharsale, en se faisant adjuger les biens des vaincus. Quand elle eut vieilli, et qu’elle sentit le puissant dictateur lui échapper, pour continuer à le dominer encore, elle favorisa, dit-on, ses amours avec une de ses filles, la femme de Cassius. Celle qui avait épousé Lépide n’avait pas un meilleur renom, et Cicéron raconte à propos d’elle une plaisante histoire. Un jeune fat romain, C. Védius, traversant la Cilicie en grand équipage, avait jugé commode de laisser une partie de ses effets chez un de ses hôtes. Malheureusement cet hôte mourut ; les scellés furent mis sur les bagages du voyageur comme sur le reste, et on y trouva tout d’abord les portraits de cinq grandes dames, parmi lesquels celui de la sœur de Brutus. « Il faut avouer, dit Cicéron, qui ne perdait pas l’occasion d’un bon mot, que le frère et le mari méritent bien leur nom. Le frère est bien sot (brutus), qui ne s’aperçoit de rien, et le mari bien complaisant (lepidus), qui supporte tout sans se plaindre[1]. » Voilà ce qu’était la famille de Brutus. Quant à ses amis, il n’est pas besoin d’en parler. On sait comment vivait alors la jeunesse riche de Rome, et ce qu’étaient les Cœlius, les Curion et les Dolabella. Parmi tous ces excès, l’honnêteté rigide de Brutus, son application

  1. Ad Att., VI, 1.