Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/357

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III

Depuis Pharsale, les mécontents ne manquaient pas. Cette grande aristocratie, qui avait si longtemps gouverné le monde, ne pouvait pas se tenir pour battue après une seule défaite. Il était d’autant plus naturel qu’elle voulût tenter un dernier effort qu’elle sentait bien que la première fois elle n’avait pas combattu dans de bonnes conditions, et qu’en liant sa cause à celle de Pompée, elle s’était placée sur un mauvais terrain. Pompée n’inspirait guère plus de confiance à la liberté que César. On savait qu’il avait du goût pour les pouvoirs extraordinaires, et qu’il aimait à concentrer dans ses mains toute l’autorité publique. Au commencement de la guerre civile, il avait repoussé avec tant de hauteur les propositions les plus justes et mis tant d’ardeur à précipiter la crise, qu’il semblait plutôt vouloir se débarrasser d’un rival qui le gênait que venir au secours de la république menacée. Cicéron, son ami, nous dit que lorsqu’on voyait dans son camp l’insolence de son entourage et son obstination à ne vouloir prendre l’avis de personne, on soupçonnait que celui qui avant la bataille accueillait si mal les conseils serait un maître après la victoire. Voilà pourquoi tant d’honnêtes gens, et Cicéron le premier, avaient hésité si longtemps à se déclarer pour lui ; voilà surtout pourquoi des hommes intrépides, comme Brutus, s’étaient tant pressés de poser les armes après la première défaite. Il faut ajouter que, si l’on n’était pas parfaitement rassuré sur les intentions de Pompée, il était possible aussi de se méprendre sur les projets de César. Il voulait le pouvoir, personne ne l’ignorait ; mais quelle sorte de pouvoir ? Était-ce seulement