Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/62

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aristocratie qui possédait presque toute la fortune publique et ce peuple indigent et affamé qui se recrutait sans cesse dans l’esclavage. Le seul intermédiaire qui existait entre eux était les chevaliers. Ce nom, à l’époque dont nous nous occupons ne désignait pas seulement les citoyens auxquels l’État donnait un cheval (equites equo publico) et qui votaient à part dans les élections ; on le donnait aussi à tous ceux qui possédaient le cens équestre, c’est-à-dire à ceux dont la fortune dépassait 400,000 sesterces (80,000 fr.). On pense bien que la noblesse maltraitait fort ces plébéiens obscurs que le hasard ou l’économie avait enrichis ; elle tenait ces parvenus à distance ; elle leur distribuait ses mépris aussi libéralement qu’aux pauvres gens de la plèbe ; elle leur fermait avec obstination l’entrée des dignités publiques. Quand Cicéron fut nommé consul, il y avait trente ans qu’un homme nouveau, pas plus un chevalier qu’un plébéien, n’était arrivé au consulat. Éloignés de la vie politique par la jalousie des grands seigneurs, les chevaliers furent forcés de tourner leur activité ailleurs. Au lieu de perdre leur temps à tenter des candidatures malheureuses, ils s’occupèrent à faire fortune. Quand Rome eut conquis le monde, ce furent les chevaliers surtout qui profitèrent de ces conquêtes. Ils formaient une classe industrieuse et éclairée, ils étaient déjà à leur aise et pouvaient faire quelques, avances de fonds, ils songèrent à exploiter à leur profit les pays vaincus. Pénétrant partout où se montraient les armes romaines, ils se firent négociants, banquiers, fermiers de l’impôt, et finirent par amasser d’immenses richesses. Comme Rome n’était plus alors au temps des Curius et des Cincinnatus, et qu’on n’allait plus prendre les dictateurs à la charrue, la fortune leur donna de la considération et de l’importance. On commença dès lors à parler d’eux avec plus de respect. Les Gracques, qui voulaient s’en faire des