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Page:Boissier - L’Académie française sous l’ancien régime, 1909.djvu/61

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l’académie française au XVIIe siècle.

fait assister à une séance de dictionnaire ; il nous montre les académiciens arrivant lentement et tout occupés d’abord à se raconter l’un à l’autre ce qu’ils ont appris par la ville ; puis, « quand ils sont épuisés sur les nouvelles et les bons contes », se mettant enfin à éplucher les mots. Comme ils ne sont pas pressés, ils perdent volontiers le temps à des minuties. « J’ai remarqué, dit-il, que toute l’après-dînée du 18 novembre 1684 se passa à examiner ce que c’était avoir la puce à l’oreille. » Quelquefois pourtant on discute avec ardeur, moins dans l’intérêt de la langue, dont on ne se soucie guère, que pour étaler son esprit. On y met tant d’amour-propre, on défend l’opinion qu’on a émise par hasard avec tant de passion qu’on finit par se dire des gros mots, et même qu’on se jette des livres à la tête. On pense bien que Furetière ne se fait pas faute d’attraper directement les personnes ; mais comme il est prudent, il ne les maltraite pas toutes ; il met d’abord de côté les cardinaux, les évêques, les grands seigneurs, tous ceux qui pourraient se venger, et ne parle d’eux qu’avec le plus grand respect ; puis ses amis, surtout Racine et Boileau, qui l’ont soutenu jusqu’à la fin ; pour les autres, il est sans