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l’académie française au XVIIe siècle.

délicate, pouvait les supporter. Il était d’usage que le nouvel élu fît l’éloge de la compagnie qui avait bien voulu l’accueillir : rien de plus naturel ; mais cet éloge dégénérait souvent en hyperboles grotesques. Patru déclarait que « quelque part qu’il jetât les yeux, il ne voyait que des héros » ; il s’étonnait qu’on eût pu trouver à la fois en un siècle quarante personnes d’une vertu si éminente, et craignait « qu’un si grand effort n’eût pu se faire sans épuiser la nature ». Il semblait à Boyer que l’Académie était vraiment l’antre d’Apollon, « où à peine on avait mis le pied sur le seuil qu’on se sentait rempli du dieu qui y présidait ». Scudéry commençait ainsi son remercîment : « Celui qui croyait que le Sénat romain était composé de rois vous aurait apparemment pris pour des dieux ». La Bruyère voulut rentrer dans la vérité. Le moyen était simple : il s’agissait de remplacer cette phraséologie vide par des appréciations exactes. Au lieu de ces fades compliments, qui s’adressant à tous à la fois ne convenaient véritablement à personne, il fallait isoler ceux dont on voulait parler et les peindre comme ils étaient ; faire des portraits, c’était son goût et son talent, il était sur d’y réussir. En général