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l’académie française sous l’ancien régime.

ceux qu’il a mis dans son discours de réception sont excellents, et, pour employer une de ses expressions, « faits de main d’ouvrier ». Mais ici il s’exposait à un danger qui, du reste, ne paraissait pas l’effrayer. Comme il ne pouvait pas parler de tout le monde, et qu’il était décidé à ne donner des éloges qu’à ceux qui lui semblaient les mériter, il risquait d’exaspérer les autres. Les ennemis de Boileau — et l’on sait combien il en avait à l’Académie ! — pouvaient-ils sans colère l’entendre dire « qu’il passe Juvénal et atteint Horace », et surtout « qu’on remarque dans ses vers une critique sûre, judicieuse et innocente, s’il est permis du moins de dire de ce qui est mauvais qu’il est mauvais ».

L’éloge de Racine était encore plus dangereux ; on y attendait La Bruyère. Deux ans auparavant, Fontenelle s’exprimait ainsi, dans son discours de réception : « Je tiens par le bonheur de ma naissance à un grand nom, qui, dans la plus noble espèce des productions de l’esprit, efface tous les autres noms ». C’était une provocation ; La Bruyère y répondit. Après avoir dit que, si Racine n’a pas dépossédé de la scène son illustre prédécesseur, il s’y est au moins établi avec lui, il ajouta : « Quel-