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l’académie française sous l’ancien régime.

ses plus âpres ennemis. Montesquieu l’avait raillée dans ses Lettres persanes, l’appelant « un établissement singulier et bizarre, qui n’a d’autre fonction que de jaser ; un corps composé de quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores, d’antithèses » ; il disait « qu’elle s’était érigée en une espèce de tribunal, et qu’il n’y en avait pas de moins respecté dans le monde ». On sait pourtant qu’il alla jusqu’à commettre presque un faux pour y être reçu. On intrigue, on cabale, on sollicite les gens d’importance, on fait agir les ministres ; surtout on se met sous la protection des belles dames, — personne n’ignore qu’elles sont toutes-puissantes. Pendant un temps, les académiciens ont presque tous été de la façon de Mme de Lambert, de Mme de Tencin, de Mlle de Lespinasse. Cet exemple est contagieux ; il tente toutes celles qui se piquent de tenir un salon renommé. Elles ont toutes leurs beaux esprits attitrés, qu’elles poussent vers l’Académie. Mme de Chaulnes fait les visites pour son ami, quelques-uns disent pour son amant, l’abbé de Boismont ; Mme de Luxembourg exige impérieusement qu’on choisisse M. de Boissy « pour décorer sa société ». Et quand par malheur on ne