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Un Vaincu.

Jamais, par contre, on ne l’entendait appliquer une expression violente ou haineuse aux formidables ennemis qu’il aurait eu quelque droit d’accuser de manque de générosité. Ses biens avaient été confisqués, et une sorte d’acharnement avait présidé à la destruction des deux demeures qu’il avait aimées ; cependant il ne laissa jamais deviner aucune amertume, et on remarquait que quand il parlait de ses anciens camarades restés dans l’armée fédérale, c’était avec la même affection qu’autrefois.

Il n’est point très-naturel au cœur humain de conserver cette modération dans les grandes épreuves, si cuisantes parfois, qu’amène la vie. Mais le général Lee avait reçu les hautes leçons de l’Évangile, ses soldats le savaient, et leur respect pour lui en était augmenté. Sa foi était forte et simple, et avait profondément agi sur sa vie. Il ne se proclamait point un chrétien, on sentait combien il l’était ; on savait que, quand le général, la tête découverte, se joignait aux prières du camp, ce n’était point pour se soumettre à un usage, mais parce que tout son