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Un Vaincu.

Quand après avoir signé la capitulation il reparut au milieu d’eux, courbé sous un deuil dont frémissaient tous les cœurs, une immense acclamation de douloureux enthousiasme l’accueillit. Les vaincus rompirent leurs rangs, et, se pressant autour de lui, cherchèrent à lui faire entendre des paroles d’encouragement et d’ardente affection. Il semblait que cette multitude, réduite par de si longs malheurs au dernier degré de la misère, oubliait ses propres souffrances pour ne songer qu’à celles de son chef. Les plus proches saisissaient sa main, sanglotaient sur son cheval et recueillaient les paroles entrecoupées qu’il essayait de prononcer :

« Soldats ! j’ai fait de mon mieux pour vous… nous avons toujours combattu ensemble… mon cœur est trop plein pour vous en dire plus… » Et le regard encore fier du vieux chef se voila de larmes.

Les Fédéraux, en dépit de la joie légitime d’un triomphe acheté par quatre années d’efforts et de lutte acharnée, surent respecter cette grande infortune.