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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Naturellement on parle de trahison, et je m’indigne contre ceux qui emploient un tel mot.

D’abord, le maréchal Bazaine doit être assez malheureux sans qu’on lui inflige, avant de rien entendre, le pire des outrages. Puis, un mot tel que celui-là est dans une ville assiégée comme une bombe dans une poudrière. Il ne manque pas d’ignorants et de brouillons pour ne pas mieux comprendre à cette heure les précautions de Trochu, mieux que nous ne comprenons tous l’inaction de Bazaine, et de là à menacer Paris d’une fin pareille à celle de Metz, il n’y a pas loin. Au reste, il faut bien l’avouer, on ne sait plus où se prendre pour espérer.

Qu’il était bon de se dire, même à nos premiers revers, qu’il n’était pas possible que le succès ne nous revînt pas ! Qu’il était doux, et fatal aussi, de vivre de sa gloire passée et d’y puiser la foi ! Maintenant tout est à bas. Wœrth a commencé un éblouissement affreux que Metz achève. Pourquoi pas nous aussi après eux tous ?

Voilà une armée libre, ou de renforcer celle qui nous étreint, ou de courir la province pour y disperser nos recrues. Qu’elle fasse l’un ou l’autre, comment sortirons-nous, puisque déjà maintenant nous ne le pouvons pas ? En attendant, on mange, et sans manger assez pour chacun, on mange trop pour la prolongation de la défense. Il faudra donc… Tout le