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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

midi, qu’il y a des masses de tués et que bien sûr il en est. J’en trouve des autres qui l’ont encore vu à midi dans le parc de Goury et ne m’en peuvent rien dire depuis. Mais madame m’excusera de tourner court ici, vu que ma jument a fini son picotin et qu’il me faut en profiter pour éloigner M. André pendant que je le puis.

Je reprends ce soir de Coinces. Nous avons marché quatre heures pour six kilomètres, tant il y a de presse sur la route. M. André ne se trouve pas plus mal ; cette fois il est déchargé, un major l’a pansé, il a un matelas pour lui tout seul dans la salle où j’écris et me charge de dire ses amitiés. Même il a eu du bouillon chaud et va tâcher de dormir pour ne plus penser qu’on est battu.

J’ai laissé l’histoire que je fais à madame à ce que les camarades de M. André ne l’avaient pas vu depuis cette affaire du château de Goury. Faut essayer quelque chose que je me dis, et je m’en retourne atteler ma jument afin d’être en position dans le cas où je trouverais son corps de le rapporter à madame. Je prends ma lanterne pas allumée et tout ce qu’il fallait.

Par bonheur que la gelée permettait d’aller à travers champs ; sans cela, il n’y aurait jamais eu moyen d’arriver. Je coupe au droit sur Goury faisant crochet là seulement où on ne pouvait passer, et bien me