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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

récent. Il n’était plus temps de reculer : le danger, si danger il y avait pour nous, était plus grand en arrière qu’en avant ; Adolphe ordonna de fouetter nos pauvres bêtes fatiguées, mais nous restâmes longtemps silencieux.

Ce fut près d’Artenay que les premières grand’gardes françaises vinrent nous reconnaître. Je regrette de n’avoir pas demandé son nom à l’officier qui nous questionna. Il me semble que j’aurais toute ma vie du plaisir à le retrouver et à lui rendre service en souvenir de la joie que son pur accent gascon m’a causée. Il rit beaucoup de la malice allemande qui nous avait condamnés aux ténèbres et ne parut pas fort ému de nos assertions qu’une très-nombreuse troupe était en marche derrière nous. « Je sais, je sais, » dit-il ; mais évidemment il ne savait pas, car il me nomma comme devant se trouver entre Chartres et Orléans un corps de Bavarois quelconque, tandis que nous lui répétâmes à qui mieux mieux que les troupes que nous avions dépassées étaient hessoises et sous les ordres du général von Wittich.

D’Artenay à Chevilly, passage triomphal. Français à droite, Français à gauche, canons français, chevaux français, drapeaux français, et, il faut bien le dire, débraillé français, mais qu’importe ? et d’ailleurs je crois que la mauvaise tenue de nos mobiles n’est pas sans excuse. C’est le 15e corps, général Martin des Pallières, qui occupe Chevilly ; on le dit homme