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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

villy n’est plus possible ; on tire tout autour de nous, et des balles perdues ont déjà frappé des ardoises du toit. D’ailleurs il doit être encore plus nécessaire au village.

Même jour, dix heures du soir.

J’étais à la cuisine contemplant le fourneau en pleine activité et toute fière d’avoir de quoi faire souper mon nombre de blessés, porté à trente-trois par un nouvel arrivage, je me demandais seulement comment nous ferions pour demain, quand un petit cri d’effroi d’une de mes aides me fit retourner brusquement.

C’étaient les Prussiens, ou plutôt les Hessois, l’ennemi enfin.

Eh bien, cela ne m’a fait aucune émotion, explique cela comme tu pourras. Je pense que j’étais trop absorbée par la question de l’approvisionnement.

Un grand officier roux, descendu de cheval, demandait : « Le maître du château ? nous voulons manger vite. » Il appela ses hommes qui remplissaient la cour, cinq ou six entrèrent.

« Nehmet ! » prenez ! dit-il sans plus de façon en montrant la marmite.

Mais j’étais là. J’ai protégé ma marmite d’un geste énergique de ma cuillère à pot et prenant, moi aussi,