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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

sans plus de façons que lui-même n’en faisait, la manche de l’officier, je l’ai mené bon gré mal gré dans mes chambres du rez-de-chaussée : « Autant encore en haut, lui ai-je dit avec un signe, ils sont tous blessés, je n’ai pas autre chose pour eux que ce repas, je ne peux pas le laisser prendre. »

Adolphe m’avait rejoint, il a offert un baril de vin. L’officier hésitait, et ses gaillards n’avaient pas perdu de vue ma marmite. J’ai eu une inspiration, j’ai coupé un très-joli morceau de pain et l’ai offert à l’officier sur une assiette : il avait certainement faim, car il n’a pas fait l’ombre d’une cérémonie et mordant dans ce pain : Donnez votre vin, a-t-il dit, schnell, schnell.

Le chef ayant mangé, plus ne fut question de l’appétit des subordonnés, et je dois avouer qu’ils se soumirent admirablement. Par exemple, la pièce de vin y passa presque entière. Le commandant appela un officier plus jeune qui parlait couramment le français pour nous demander où se pourraient trouver des vivres ? — Nous n’en savons rien. — Des blessés allemands seraient-ils en sûreté chez vous jusqu’à ce qu’Orléans soit pris ? — Oui, certes ! — Et c’était de bon cœur, mais que cette assurance de victoire faisait mal ! « Seulement, il nous faudrait un chirurgien, ajouta Adolphe, depuis ce matin nous avons fait nous-mêmes tous les pansements. »

L’officier est remonté à cheval et a salué, — très-