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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

doit être punie pour avoir, après leur départ, fêté l’entrée des Français ! Quand donc les hommes vaudront-ils mieux que les loups ? Hélas ! pauvre XIXe siècle ! il peut bien pleurer sa chimère perdue, l’humanité ne s’est pas perfectionnée comme le reste de son œuvre. Pauvre XIXe siècle ! ses lumières n’auront éclairé que les choses ! Il fallait sur les cœurs une lueur de l’Évangile d’amour. Là où elle manque, que tout est noir !

Cependant tout n’est pas dit encore. Le général Martin des Pallières, qui commande Orléans tandis que le général d’Aurelles rallie son armée derrière la ville, veut utiliser, dit-on, les retranchements de terre armés récemment de quelques canons. Les gens du métier croient distinguer, même d’ici, à travers le vacarme de l’artillerie ennemie, le son de nos grosses pièces de marine, en position sur les hauteurs. Tant qu’on les entendra, cela voudra dire que nous tenons. Aussi l’un des nôtres a-t-il toujours l’oreille au guet pour saluer cette voix lointaine, qui, seule contre tant d’autres, parle encore d’espérance ; pour moi, je n’y sais rien reconnaître et je m’emploie à autre chose. La besogne ne manque pas.

Au petit jour, ce matin, quatre voitures allemandes d’ambulances nous amenaient dix-huit blessés et un chirurgien, sans doute sur l’avis du commandant d’hier au soir. En outre, on nous a laissé un sous-officier et quelques soldats qui m’ont bien l’air d’être