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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Le malheur des uns cause quelquefois la joie des autres. Voilà ce pauvre Roland transfiguré par de bonnes nouvelles. Il vient de voir entrer l’abbé M…, précepteur de ses fils ; tout va bien pour sa famille. Sa femme était tellement inquiète de ne rien recevoir de lui qu’elle a fini par laisser partir son abbé, qui est homme de tête et de cœur, et offrait de lui rapporter des nouvelles de Roland ou de rester avec lui. Retenu à Orléans par le bombardement, l’occupation de la ville l’a délivré et il a franchi sans trop de peine, grâce à sa soutane et aussi à sa connaissance du pays, les trois lieues qui nous séparent d’Orléans. Roland est ravi d’entendre parler des siens, l’abbé est tout heureux de pouvoir dire à Marthe que nous sommes là, aussi repartira-t-il dès demain ; mais je supplie Roland de lui permettre de revenir si une nouvelle traversée des lignes lui est possible. Il nous remplacera lorsqu’il nous faudra regagner Thieulin.

Pauvre Thieulin ! je l’ai presque oublié ces jours-ci. Ce grand drapeau à croix rouge que j’avais acheté sans me soucier assez de blessés ou d’ambulances, mais seulement pour l’amour de notre logis, ce drapeau est maintenant comme un remords pour moi. C’était, dans ce temps-là, une petite hypocrisie que nous commettions ; tu peux m’en croire, ma chère et toujours sage sœur, je ne le ferai plus ! Je suis convertie aux ambulances, même sans drapeau.

Je charge l’abbé M… de découvrir André ou Bar-