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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

quart d’heure en quart d’heure, des nouvelles. Et chaque nouvelle était un chagrin de plus.

On jetait dans la rivière un canon trop lourd pour être emmené ; ou bien quelques attardés, qui avaient bu, allaient rester comme prisonniers aux mains de l’ennemi qui s’en glorifierait ; ou bien encore on venait d’apprendre que les Prussiens étaient déjà depuis la veille sur la rive droite du Loir, qu’ils l’avaient traversé à Fréteval après un combat meurtrier pour les nôtres. Les voitures roulaient toujours, les bataillons passaient aussi de temps à autre ; mais on n’entendait ni chant ni cri. Le moment vint où les pas ne marquèrent plus aucune mesure, c’était bien des pas de débandés. Sur tout cela, il neigeait, à ce que disait M. Richard.

Enfin le jour a paru, un demi-silence s’est fait dans le quartier ; mon camarade de chambre, un moblot qui semble avoir la petite vérole, délirait ; il croyait battre le blé dans sa grange.

C’est alors qu’une détonation très-rapprochée, puis une autre, ont fait vibrer les carreaux, un vase de la cheminée est tombé ; il me sembla entendre un sifflement d’obus. M. Richard rentra en hâte et me fit comprendre ce qui se passait.

Vendôme est bâti sur le Loir, entre deux collines ; l’ennemi occupait les crêtes de la rive gauche et tirait par-dessus la ville contre la colline de droite que gravissait encore notre arrière-garde. Les canons