ceux-là je les avais combattus, je les avais sentis des ennemis, au lieu que ceux-ci n’étaient pour moi que des hommes.
« Ils seront tombés dans une embuscade, dit M. Richard ; il y a probablement des francs-tireurs par ici. Voyez ce sang tout frais, — c’est de la besogne d’aujourd’hui même.
— Au moins, enterrons-les ! demandai-je.
— Oui-da ! pour nous mettre en retard ! Il va neiger, et nous n’irons pas vite si nous allons du tout. D’ailleurs, ils ont assez de camarades pour y veiller et même pour les venger. »
Je m’étais approché des uhlans, et je vis que les broussailles étaient froissées encore au delà. J’avançai et trouvai une autre victime de cette lutte obscure : un Français, en blouse galonnée et képi, tombé en avant, lui, et les bras étendus. Sans doute, ses camarades l’avaient tiré à l’écart pour qu’il fût moins tôt dépouillé. Un lourd sabre allemand lui avait ouvert le crâne ; son fusil Remington gisait, brisé, prés de lui. Quant aux uhlans, ils avaient été tués proprement, par des coups de feu, et ne montraient d’horrible que leur pâleur.
« Je vous en prie, monsieur Richard, enterrons-les !
— La terre est gelée à deux pieds de profondeur.
— Essayons.
— Vous n’avez pas de raison ; il fera nuit dans une heure. »