Aller au contenu

Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

248
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Elle le plaça à son rang d’âge parmi une dizaine de vos portraits à tous deux qu’elle enveloppait de papier.

— C’est pour montrer à mes malades, fit-elle par manière d’explication, ils ont tant envie de voir mes fils ! À force d’en entendre parler, ils se sont attachés à eux.

— Vous leur parlez de Maurice et d’André, maman !

— Sans doute, c’est ce qui les intéresse le plus. Franz a une mère qu’il aime tendrement et qui ne peut se résigner à le voir soldat. J’ai lu de ses lettres qui sont déchirantes. Le chagrin de sa mère l’a préparé à me comprendre ; il me dit qu’il se croit en famille quand il écoute mes peines et mes craintes. L’autre malade, Bürkel, n’a plus de mère, mais une grand’mère, trois petites sœurs, une fiancée. Il est d’un caractère mou, et depuis qu’il est malade il se laisse aller au découragement. Pour lui aussi, il est bon de penser à d’autres épreuves qu’aux siennes.

— Il me semble que je ne pourrais pas causer de mes frères avec leurs ennemis ! lui ai-je dit assez sottement. »

Maman m’a répondu d’un air tout à fait fâché : « Un malade n’est plus un ennemi. Vraiment, Berthe, je ne te reconnais pas. »

La semonce était dure ! mais je l’aime tant, ma pauvre maman, je la plains tant, que je l’ai embrassée sans répliquer.