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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Du même à la même.
Saint-Denis-d’Orques, route de Laval, 14 janvier.

Ah ! chère maman, que je voudrais éviter de vous écrire ce que j’ai vu, ce que je vois ! C’est déjà trop d’avoir à supporter le moment présent ; revoir le passé, vous en affliger, c’est comme fouiller une plaie saignante ! Et vous allez pourtant rendre grâce à Dieu que je sois en vie ! J’en devrais faire autant, mais, pardonnez-le-moi, même pour l’amour de vous, mère chérie, je ne le puis pas.

Vous vous souvenez qu’après une marche forcée, de Château-Renault à Château-du-Loir, sous une pluie battante et dans des chemins encombrés de vieille neige qui fondait, ma compagnie avait pu encore le 10, et seule de la division Curten, gagner les avant-postes du Mans par la voie ferrée, que les coureurs ennemis avaient déjà plusieurs fois traversée.

L’action s’engagea le matin du 11 sur la ligne de l’Huisne, elle s’étendait, dit-on, sur un front de six lieues : de Grand-Lucé au sud, à Montfort et Lombron vers le nord-est. À gauche, nous étions déjà tournés par l’ennemi entre Écommoy et Arnage, où le général Barry avait grand’peine à remettre