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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/302

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Nous avons trouvé Thieulin occupé par un corps de francs-tireurs qui y vivaient fort à l’aise et n’avaient nul désir de voir revenir les vrais propriétaires. Deux lettres de Vendôme, d’André, nous attendaient. On sent combien la captivité pèse au pauvre garçon, et cela renouvelle mes regrets de n’avoir pu le rejoindre ; mais tu dois être, malgré tout, trop heureuse de le savoir à l’abri des balles et bien soigné par son honnête homme de dentiste. Je te félicite du repos forcé auquel il se trouve condamné.

Pendant qu’il expie sa gloire à Vendôme, Barbier le cherche à Tours ou ailleurs, et je ne sais comment lui faire parvenir un avis. Le service de la poste est complètement suspendu par ici, les routes sont peu sûres. Nous sommes entre les Français au nord et ses Prussiens au sud, et justement dans la zone consacrée aux escarmouches. On nous prend, on nous perd, on nous reprend pour nous reperdre à chaque instant, tout cela sans considérable effusion de sang, grâce au ciel, mais à la grande souffrance de nos pauvres nerfs.

Le canon se fait entendre depuis hier, au nord ; le voilà maintenant à l’est, et aussi au sud. Les francs-tireurs qui occupent le parc et le château sont fort émus et ne savent guère le cacher ; je ne serais pas étonnée de les voir détaler subitement. Mes vœux les accompagneront, mais non pas mes regrets. Nous avons suffisamment joui de la société de ces