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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/325

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

les souvenirs de M. de Vineuil. Hors de la voiture, les signes les plus évidents de l’épuisement général frappaient ses yeux ; au dedans, ce long corps affaissé, qu’il soutenait, semblait épuisé aussi. Il faudrait donc capituler ! et ce bras, qu’il faudrait tout à l’heure demander à Maurice, ce bras, — peut-être cette vie — auraient été sacrifiés en vain !

C’était dans la salle dite salle Suisse[1] qu’on attendait Maurice, il devait y trouver les soins maternels des dames infirmières, amies de Mme de Vineuil. Malgré sa faiblesse, il sut montrer sa joie de se trouver ainsi entouré, et voulant remercier chacun : « Mon père le dira à maman, » fit-il. — M. de Vineuil allait reprendre : « Tu le diras toi-même ; » mais quelque chose lui serra la gorge et l’en empêcha.

M. R…, le jeune et habile chirurgien de la salle Suisse, jugea, comme le vieux praticien, que l’amputation ne pouvait être évitée ; il fut décidé qu’elle aurait lieu le lendemain 24. Quand parurent les premières lueurs du matin, le pauvre père, qui avait passé la nuit au chevet de son fils, vit que ses yeux étaient ouverts et fixés sur les vitres blanchissantes. C’était le moment de le préparer à ce qui allait suivre. Il semblait à M. de Vineuil qu’il ne trouverait jamais les

  1. Cette salle était ainsi appelée parce que tout son personnel appartenait à la colonie suisse de Paris, qui subvenait par souscriptions aux dépenses nécessaires.